Vendredi soir, le rêve du Désert.

                   « Ne le laissez pas s’enfermer tout seul là-dedans... »
Michael et sa mère rentrèrent chez eux avec, chacun dans leur tête, cette dernière phrase de Pinter Zymot.
Pourtant, ils n’échangèrent pas un mot sur le sujet. Il était encore trop tôt. Attendre.
Agir ? Michael se contenta d’envoyer un message à Kitty pour lui dire que l’interrogatoire était terminé. Qu’il rentrait chez lui pour se reposer et qu’il l’appellerait le lendemain.
La réponse arriva à 18h16, un peu sèche :


« T deranj surtoupa pr moi. Bonnuit. Bonwik. »

Agir ? Attendre ?
Michael s’était vraiment senti soulagé par sa conversation - ses aveux, sa confession - avec Pinter Zymot.
Vers 18h30, il commença pourtant à ressentir une sorte de malaise venu du plus profond de lui-même. Bertrand Pratzen avait été arrêté mais Simon n’était toujours pas revenu.
Il se sentait soulagé alors que rien n’était résolu.
Comment cette histoire pouvait-elle se terminer ?
Kitty. Sa mère. Simon. Le silence.
Michael avait l’habitude du silence, il l’utilisait pour se protéger. Mais, maintenant qu’il avait parlé, le silence paraissait lourd et inquiétant.
Sa mère n’avait pas envie de parler. Kitty ne rappellerait pas. Et Simon ? « Cette nuit, peut-être... ou pas. »
Le silence. Le vide. La mort ?
Vers 19h, Michael comprit un peu mieux la nature de son de son malaise : « Simon est mort », cette idée commençait à exister dans son esprit.
« La mort, c’est le silence quand on a besoin d’entendre quelque chose. » Et le suicide ?
Vers 19h30, le repas était prêt. Sa mère n’avait toujours pas envie de parler. Kitty... Simon... Le vide et tout le reste.
« Parle-moi, s’il te plait. » Il était 19h36.
« - Tu m’en veux ?
- Non, pas vraiment. Je me dis que si tu m’avais raconté ce que tu as vu dans tes rêves, je ne t’aurais sans doute pas crû. Donc tu as peut-être bien fait. Ou alors il aurait fallu que tu m’en parles déjà depuis longtemps.
- A quoi tu penses ?
- Je pense à Simon ou, plutôt, à ses parents. C’est terrible d’attendre sans rien pouvoir faire. En se disant que l’on n’a rien compris depuis le début. Tu sais, j’espère tellement que cette histoire se finisse vite et bien. Comme ça, tu ne te sentiras coupable de rien. »
Michael partit dans sa chambre vers 20h30, pendant que sa mère était au téléphone avec Maria.
Kitty, elle, avait éteint son téléphone. Le silence et le reste.
« J’espère vraiment que tu ne te sentiras coupable de rien. »
Comment trouver le sommeil dans ces conditions ?

 

A quelle heure me suis-je endormi ?
Je ne sais même pas où je me suis allongé. Je ne me souviens de rien. Merde, où je suis cette fois ?
« Simon ? Simon ? »
« Réponds-moi, s’il te plait! »
« Simon ? »
Il vaut mieux que je me réveille tout de suite.
« Ce n’est pas ma faute, tu sais... Je n’ai rien compris à toute cette histoire. Tu aurais dû m’en parler avant. »
« Simon ? Réponds-moi, je ne vais pas rester longtemps ici. »
Allez, tant pis, j’ouvre les yeux.
Voilà.
Il fait nuit. Je vais allumer la lumière. Encore faudrait-il que je sache où je me suis couché...
J’ai dû m’endormir devant la télé. Il faudrait juste que je retrouve la télécommande. Que je remette la main  dessus.
C’est quoi cette lumière, là-bas ?
Mais je suis où ??
Je dors toujours alors... Je n’ai pas réussi à me réveiller ! Je suis seul...
Je suis dans un désert.
Simon m’a dit que je devais construire mon univers et il n’y a rien autour de moi.
Je suis sans doute déjà venu mais j’ai tout oublié.
C’est quoi ? Une montagne ? Une forêt ?
Je croyais que les cauchemars c’était quand un monstre t’attaquait pour te dévorer.
En fait, je me en train de me bouffer de l’intérieur, comme d’habitude... J’ai mal au ventre. J’ai chaud.
Quatre adolescents rencontrés par Pratzen se sont suicidés...
ET MOI ?? Tout le monde pense à Simon dans cette histoire mais, moi aussi, j’ai rencontré Pratzen. Moi aussi, j’ai participé à ses tests...
Si, chaque nuit, je dois me mettre dans un état pareil... Il faudra que ça cesse.
Je veux dormir... ou me réveiller mais je ne veux pas rester ici. Il n’y a rien. Il n’y a personne !
Pourtant, je suis chez moi. Je suis en moi.
Kitty m’a dit que cela ne servait à rien de fuir puisque c’était moi qui explosait.
Je n’ai pas été correct avec elle. Elle me fait sûrement la gueule. Je me rattraperai demain.
Et Betty, avec son histoire de Frank. Elle couche avec lui et puis...
Toujours personne mais je me sens un peu mieux. Réfléchir. Avancer. Ne pas attendre. Je suis chez moi. En moi. Personne ne peut m’atteindre. Ni Simon, ni Pratzen...
« - Es-tu vraiment sûr de ça ?
- Qui est là ? Qui a parlé ?
- Voyons, tu ne me reconnais pas ?
- Pratzen ? C’est vous ?
- Il est peut-être temps que les choses sérieuses commencent, Michael...
- Qu’est-ce que vous faites ici ?
- Comment, tu ne souhaitais pas me voir ? Tu préfères rester seul dans ce désert sans fin ? Tu as atteint une étape critique de ton évolution. Je ne peux pas te laisser seul. Certains n’ont pas réussi à s’en remettre...
- Où êtes-vous ?
- Mais tu l’as dit toi-même. Je suis chez toi. Je suis à l’intérieur de toi.
- Que voulez-vous ?
- Je viens te proposer mon aide. C’est quelque chose que je peux faire de n’importe où sur Terre.
- Pourquoi voulez-vous m’aider ?
- Pour savoir jusqu’où nous pouvons aller ensemble. Je sais ce dont je suis capable dans le monde des rêves mais, plus nous serons nombreux, plus les frontières de ce monde seront projetées vers l’infini. Tu n’as d’ailleurs plus vraiment le choix. Ou, plutôt, tu peux seulement choisir de me suivre ou alors de partir tout seul vers le vide et l’inconnu.
- Où est Simon ?
- Actuellement, cette question ne m’intéresse plus. Il n’a pas été franc et loyal envers moi. Je n’ai pas apprécié son attitude... C’est un prétentieux. Toi, par contre, je sais que tu ne m’as jamais trahi.
- Mais où est-il ?
- Concentre-toi plutôt sur toi-même.
- Je ne peux pas !
- Alors réveille-toi.
- Je ne peux pas non plus !
- Alors tu es vraiment dans ce qu’on pourrait appeler... un cauchemar. Je vais te laisser y réfléchir.
- Non !
- Quoi ? Tu essaies de me retenir ?
- Non, de toute façon, vous n’êtes pas ici. Je suis seul. J’ai peur alors j’imagine la voix de Bertrand Pratzen... mais, en fait, je suis en train de parler tout seul !
- C’est une idée tout à fait remarquable que tu viens d’avoir, Michael. Je suis impressionné que tu y sois arrivé si vite et par toi-même. Tu es au cœur même du problème... Le monde des rêves nous apparaît sous forme d’images, de sons, d’émotions mais sa réalité, sa substance, est totalement différente de ce que nous connaissons dans le monde réel. Comment faire la différence entre ce qui vient de nous-mêmes et ce que nous pouvons capter des univers créés par les autres ? Les apparences peuvent nous tromper au-delà de ce que nous pouvons imaginer. C’est fascinant, non ?
- Laissez-moi partir !
- Mais à qui parles-tu, Michael ? N’oublie pas que je ne suis pas là. Tu es sur la bonne voie mais tu vas devoir te réconcilier un peu avec toi-même pour éviter ce genre de dispute.
- Quoi ?
- Tout ceci est assez compliqué, je te l’accorde. Ne brûle pas les étapes, tu apprendras vite. Ou alors...
- Ou alors quoi ?
- Ou alors tu me décevras toi aussi. Comme Simon et comme les quatre autres qui n’ont pas survécu !
- Taisez-vous ! Vous n’êtes pas là ! Je fais un cauchemar. J’imagine le pire !
- Alors bonne nuit, Michael. A très bientôt. Je ne pense pas que Simon te rejoindra ce soir. Et Kitty... Maria... ton père... »
Une sonnerie de téléphone retentit au loin.
Une souris passe.
Plus rien. Attendre.
Quelqu’un entre dans la chambre. Quelle heure est-il ?

 

                    « - Michael ! Michael ! Réveille-toi vite, s’il te plait !
- Maman ?... Qu’est-ce qui se passe ? Quelle heure est-il ?
- Il est un peu plus de six heures. Pinter Zymot vient d’appeler... Ils ont retrouvé Simon cette nuit ! »

 

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