Samedi matin, Michael parle (enfin) avec sa mère.
« - Pourquoi as-tu dormi tout habillé ?
- Je ne sais pas, je ne me souviens même plus de m’être couché. Alors, raconte-moi vite.
- D’après Pinter Zymot, Simon a rallumé son téléphone portable vers minuit, ce qui a permis aux policiers de localiser la zone où il se trouvait. Une patrouille de la police l’a retrouvé assis sur un banc vers une heure du matin. Il est vivant et en bonne santé.
- Et qu’est-ce qu’il a dit ?
- Il a prétendu avoir fait une fugue et qu’il ne savait plus où aller. Il dit qu’il était seul et qu’il n’a jamais vu Bertrand Pratzen.
- Alors, ils vont sûrement le relâcher...
- Zymot m’a juste dit qu’ils avaient interrogé Simon une partie de la nuit et qu’ils allaient continuer aujourd’hui. Il a prévenu ses parents dès cette nuit et il a pensé que tu serais soulagé de savoir qu’il allait bien.
- C’est gentil... Alors c’est enfin terminé. Au bout de combien de temps ? Trois jours ? Quatre jours ?
- Depuis mercredi matin. Je suis tellement soulagée, tu sais...
- Moi aussi. Ca a l’air finalement si simple.
- Peut-être que nous sommes passés tout près d’un véritable drame.
- En tout cas, il aura intérêt à tout m’expliquer, ce salaud.
- Reste calme. Tout le monde a mérité un peu de repos aujourd’hui.
- Je vais prévenir Kitty. »
Malgré l’heure matinale, le téléphone de Kitty était allumé. Mais elle ne répondit pas. Il laissa un message à propos de Simon et promit qu’il rappellerait dans la matinée.
« - Tu veux te recoucher ?
- Non, mais je pense que je dormirai beaucoup mieux ce soir.
- Tu as faim ? Change-toi et mets-toi un peu plus à l’aise. »
Le petit-déjeuner dura bien plus longtemps que d’habitude. Après une nuit difficile, dont il se souvenait très bien, Michael sentait venir une journée pleine de légèreté et de soulagement.
Simon était vivant. Sa mère avait envie de parler. Kitty finirait bien par décrocher.
Agir ? Non. Attendre et profiter un peu avant que... il ne se passe autre chose.
« - Tu sais, cela fait plusieurs fois que je rêve de papa ou de Maria...
- Moi aussi, ça m’arrive. Enfin, surtout de Maria. Pour ton père, c’est un peu différent.
- Ils me manquent.
- C’est la première fois que dis ça. Tu aurais pu parler avec ta sœur hier soir. Depuis mercredi, je la tiens au courant de ce qui se passe et elle est inquiète pour toi. Je lui ai laissé un message ce matin pour la rassurer.
- Je préfèrerais qu’elle vienne nous voir.
- Pourquoi pas, si le médecin l’autorise à sortir. Mais son accouchement est quand même prévu pour bientôt. Trois semaines maximum.
- Et papa ?
- Pour lui, c’est plus compliqué. J’ai déjà essayé de t’en parler mais ce n’est pas parce que je ne le vois plus que tu dois, toi aussi, te couper de lui.
- Tu ne le vois plus parce que tu as décidé de ne plus le revoir.
- Je ne suis pas seule à décider. En tout cas, tu n’es pas là pour me défendre. J’ai eu un gros problème avec lui mais, toi, tu n’as rien à lui reprocher. Rien qui ne justifie de te renfermer comme tu l’as fait. Et, pour Maria, c’est la même chose.
- Tu lui en veux quand même d’être partie.
- J’ai surtout peur pour elle, c’est ma fille. On peut souffrir à cause de ses enfants. Mais leur en vouloir, c’est presque impossible... C’est quelque chose qu’on ne peut pas comprendre avant d’avoir des enfants... A ton âge, en tout cas, moi aussi je lui en aurais énormément voulu. Mais c’est pour ça aussi que je pense que papa sera content que tu reviennes un peu vers lui. Malgré ce que tu lui as dit.
- Moi, j’essaie de ne pas te faire souffrir.
- Tu as quand même ta manière à toi de m’en vouloir. C’est devenu tellement difficile de parler avec toi... Cette histoire de rêves, c’est d’abord une manière de te replier sur toi, non ?
- Oui mais je crois que ça peut aussi aller beaucoup plus loin que ça.
- Et qu’est-ce que tu y cherches ?
- L’évasion, la surprise...
- Revenons à la réalité. Qu’est-ce que tu penses de moi, Michael ?
- Quoi ?... Ben, tu es ma mère.
- Tu dois penser que je suis une femme triste. Dénigrée par ceux qu’elle aime. Que l’on n’écoute pas.
- Non mais tu attends des choses qui ne viennent pas.
- Pourtant, ce n’est pas si simple. Je pense avoir beaucoup de choses pour être heureuse. Mais j’ai seulement du mal à les partager. Je me souviens aussi que, à ton âge, j’avais un sale caractère. J’ai aussi de très beaux souvenirs de quand vous étiez petits. Quand nous étions quatre. Et je me dis que ce ne sont sûrement pas les derniers. Maria va avoir un bébé, c’est le commencement de beaucoup de choses. Ca ne m’empêche pas d’être inquiète mais... Et toi...
- Moi, je ne suis pas fini.
- Pourquoi ça ?
- C’est ce que me disait Maria pour me faire comprendre que...
- Avec ce qui l’attend, crois-moi qu’elle va vite comprendre tout ce qui lui reste à apprendre. Elle va bientôt avoir besoin de nous. Un peu de patience, tonton.
- Oui. En attendant, je vais retourner dormir un peu. C’est l’heure de la grasse matinée.
- Profites-en bien. On sortira manger quelque chose pour midi. »