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Jeudi soir, le rêve du Volcan.

                   En dehors de la « parenthèse enchantée » du repas avec Kitty, tout le reste de la journée se déroula comme une chute interminable. Un puits sans fond.
Toujours les mêmes questions qui revenaient sans arrêt. Jamais aucune réponse.
Ou, plutôt, toujours trois ou quatre réponses possibles. Jamais une seule réponse nette et précise.
Toujours un choix à faire. Seul. Le temps d’hésiter, il ne faisait rien. Mais les questions restaient les mêmes. Plus pressantes à chaque minute puisque que le sort de Simon était en jeu.
« A quoi cela servirait-il d’appeler maintenant Pinter Zymot ? A sauver Simon ? A soulager sa conscience, à se sentir ridicule ? »
Ridicule. Pendant ce temps, les cours, les autres... Quels autres ? Quels cours ? Une minute après l’autre.
De toute façon, personne n’avait eu envie de lui adresser la parole cet après-midi. Le petit chien ? Il s’était arrêté à l’entrée du lycée à 13h55. A 17h02, il n’était plus là. Evidemment. Toutes les mains se valent.
Michael rentra seul chez lui.

                    A 19h30, le repas. Sa mère le regardait sans rien oser lui dire. A 19h42, elle ne put s’empêcher de poser la question fatale :
« Quand même, si tu savais quelque chose, tu le dirais, n’est-ce pas ? »
Michael laissa tomber sa fourchette et il sortit faire un tour au pied de son immeuble.
Il attendit là quelques minutes. Il se demanda si le petit chien viendrait le rejoindre. Il se sentit ridicule mais, comme il était seul, ça le fit sourire.
A 19h55, il remonta s’excuser poliment avant d’aller s’enfermer dans sa chambre.
« - Excuse-moi, maman. Je n’en peux plus de cette histoire.
- Je sais bien. Excuse-moi aussi. »

                  Ce soir-là, Michael décida de faire les choses normalement. Il se déshabilla et enfila un pyjama propre.
Il s’installa entre les draps. Un peu de musique, un magazine. Extinction des feux à 21h04. Comme avant.
Pas sommeil. Juste besoin de calme. La journée était finie donc le plus dur était fait. Le temps allait passer plus vite.
Dans le noir, Michael entendit la vibration de son téléphone portable qui annonçait l’arrivée d’un message.
Plus tard. Demain.
Il fallait se concentrer sur soi-même. Rien ne doit venir de l’extérieur. Tout doit remonter de l’intérieur. Il suffit de laisser faire. De ne pas avoir peur. Ne plus bouger mais ne rien retenir.
Fermer les yeux et regarder. Des images. Des sons.
Des visages. Des voix. On a envie de répondre. On a envie de se lever. Mais ça passe.
Ne pas dormir. Pas encore. Laisser aller.
Des visages. Des voix. Une sensation de vertige. Ne pas bouger. Ca vient de l’intérieur. Ca va passer.
Des visages. Des voix. Une souris passe.
Tout s’accélère puis plus rien. Dors...
Enfin le temps s’accélère et les heures vont passer comme des minutes. Tout défile. Rien ne reste. La paix.

 

Il était 23h57 lorsque retentit l’explosion !
« Maman ?
Michael sortit vite de son lit et ouvrit la porte de sa chambre. Tout était calme.
L’appartement était plongé dans l’obscurité et seul un rayon de lumière blanche passait sous la porte de la chambre de ses parents.
« - Maman ?
- Ne t’inquiète pas . Maria a fait du bruit en rentrant. Retourne te coucher maintenant.
- Maria ? »
Michael se retourna et vit un autre rayon de lumière, rouge, qui passait sous la porte de la chambre de sa sœur.
« Maria ? »
Des bruits sourds d’explosion semblaient venir du dehors.
Il avança dans le noir et ouvrit la porte.
Un petit garçon en pyjama bleu était assis sur le lit.
« - Simon ? Qu’est-ce que tu fais là ?
- Tu m’as invité à venir dormir chez toi, non ?
- Mais quel âge as-tu ? On dirait que...
- Et toi, tu ressembles à quoi, d’après toi, avec ton pyjama tout neuf ? Tu veux jouer à quelque chose ?
- Je ne sais pas.
- Tu t’en souviens ? C’était vraiment chouette ici, quand il y avait tout le monde. Ton père, ta mère, ta sœur... L’ambiance était géniale par rapport à chez moi.
- Tu crois que mon père est encore ici ?
- Ca, je ne sais pas. N’oublie pas quand même qu’on est chez toi.
- Toi, tu as encore tes deux parents.
- Je sais. Mais ça ne règle pas tout.
- Qu’est-ce qu’on fait là, Simon ?
- Tu m’as invité, alors je suis venu. J’étais bien ici, à cette époque. Ce sont de chouettes souvenirs. Par contre, ça cartonne dehors. Je crois que je vais te laisser. A mon avis, cet immeuble n’en a plus pour longtemps à tenir debout. Salut, vieux pote. N’oublie pas que tu es chez toi. »
Le sol et les murs de la chambre commençaient à trembler. Les déflagrations devenaient de plus en plus proches. De plus en plus violentes. Toute la chambre donnait l’impression de basculer sur elle-même.
Michael sortit en courant et retomba dans l’obscurité du couloir.
« Maman ? Papa ? Maria ? Il faut sortir ! Vite ! »
« Répondez-moi ! »
Les murs craquaient. L’immeuble commençait à s’effondrer. Michael ouvrit toutes les portes de l’appartement en criant mais il n’y avait plus personne.
« Je suis tout seul. Ils sont déjà tous sortis. »
Des éclairs rougeoyants claquaient à travers les volets des fenêtres.
« Mais qu’est-ce qui se passe ici ? Il me faut... une porte ! »
Michael se mit courir droit devant lui. Au bout de la troisième porte, il arriva dans la cage d’escalier.
Le tremblement de terre se poursuivait. Il se mit à dévaler les marches. Le colimaçon. Des lueurs de flamme semblaient remonter du fond de l’immeuble.
Puis ce fut l’explosion totale.
Michael se plaqua contre le mur et s’accrocha de toutes ses forces pour ne pas être emporté.
Le déluge de feu finit par s’arrêter et il put reprendre sa descente parmi les décombres.
Il sortit dans la rue en se faufilant par une paroi éventrée.
« On ne peut pas rêver sa propre mort... »
Il y avait du monde attroupé sur le trottoir.
Personne ne l’avait vu sortir. Personne ne le cherchait. Il avança parmi la foule.
« Maman ? Maria ? »
« Qu’est-ce que tu fais là, petit ? »
« Quoi ? »
Il entendit alors une voix qu’il reconnaissait.
« - Michael ! Michael !
- Kitty, c’est toi ?
- Mais oui, que s’est-il passé ?
- Je ne sais pas. Qu’est-ce que tu fais là, toi ?
- Comme tout le monde. J’ai entendu l’explosion et je suis venue voir.
- Tu as vraiment entendu l’explosion ?
- Oui, je dormais et ça m’a réveillé. Et j’ai aussi entendu ta mère qui t’appelait.
- Où est-elle ?
- Je ne sais pas. Elle avait l’air complètement paniquée. »
Une nouvelle explosion retentit et le sol se souleva brusquement sous leurs pieds.
« Il faut partir ! Vite ! »
« C’est un volcan ! »
Michael attrapa Kitty par la main et ils se mirent à courir. Autour d’eux, les gens semblaient étonnés. Mais inertes.
« Partez ! Partez vite, tout va exploser ! »
Personne ne réagissait.
Au bout d’un moment, Kitty le retint par le bras.
« - Et le chien ?
- Quel chien ?
- Le petit chien que tu avais trouvé et qui te léchait la main. On ne peut pas le laisser là.
- Mais je ne sais même pas d’où il vient...
- Alors lui aussi tu vas l’abandonner.
- Quoi ?
- Comme ta mère. Comme Simon.
- Mais non. Il faut simplement partir.
- Moi, je ne veux pas abandonner ma sœur.
- Mais puisqu’on ne peut rien faire pour eux...
- Qu’est-ce que tu en sais ? Tu préfères toujours te mettre à l’abri mais, là, tu ne peux plus.
- Pourquoi ?
- Mais regarde autour de toi ! Pourquoi, d’après toi, tout est en train d’exploser ?
- Mais c’est un volcan...
- Et qui a fabriqué ce volcan juste sous chez toi ? C’est ta tête qui est en train d’éclater, Michael ?
- Quoi ? Ma tête en éruption ?
- Tu sais, je ne comprends pas encore grand-chose à vos rêves mais je pense qu’il faudrait que tu sois beaucoup plus serein pour aborder ces nouveaux mondes.
- Plus serein ? En ce moment, ce n’est pas possible.
- Alors, c’est encore perdu d’avance, n’est-ce pas ?
- Ne dis pas ça !
- Ecoute, j’ai accepté de te rejoindre mais, si tu ne prends pas les choses en main, c’est clair que je n’aurai pas envie de revenir.
- Mais c’est tellement compliqué...
- Tes rêves, c’est le bordel. Essaie au moins de te les approprier. Fais quelque chose. Agis sur ce qui dépend de toi. Si tu ne peux rien changer au cours des choses, essaie au moins d’être en paix avec toi-même. Si on doit partir vers l’inconnu, je serai d’accord de te suivre si tu ne te contentes pas de subir. Ou d’observer.
- Et si je n’y arrive pas ?
- En tout cas, ce n’est pas en laissant des volcans trembler sous ton lit que tu pourras séduire une fille.
- Ah... Et toi ?
- Moi, je suis une fille. A demain. »

 

                    Michael se réveilla doucement avec, dans sa tête, l’image d’un joli sourire.
Il se souvenait vaguement d’un baiser d’au-revoir mais peut-être l’avait-il inventé...
Il était 3h52. Vendredi matin. Quelques explosions résonnaient encore au loin, au fond de son crâne.
Il sortit de ses draps pour faire un petit tour dans l’appartement endormi.
Papa, maman, Maria, Simon. Agir. Kitty, Bertrand Pratzen, Pinter Zymot. Il fallait agir.
Ca semblait si simple à dire. Agir. Choisir. Etre en paix.
En revenant dans sa chambre, Michael se souvint du message qui était tombé sur son téléphone au moment où il s’était endormi.
Agir. Lire le message.
« Demain matin, même endroit et même heure.
Bonne nuit. B.P. »
Le numéro d’envoi était celui du portable de Simon. Il était 4h14 du matin et la nuit de Michael était terminée.

 

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