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Mardi matin, Pinter Zymot rencontre Bertrand Pratzen

           Ce matin-là, Pinter Zymot était venu attendre son mystérieux visiteur comme prévu, à 8h05, à l’emplacement B du quai n°9.
Depuis qu’il était arrivé, deux trains s’étaient déjà succédés. Le premier venait d’Ellancy, le deuxième d’Armond... le troisième serait celui de Puisard.
Bertrand Pratzen était quelqu’un de prudent... de quel coin perdu allait-il arriver pour essayer de brouiller les pistes ? Pinter Zymot attendait.
A chaque fois, les voyageurs étaient descendus sur le quai et avaient défilé devant lui sans le remarquer. Le troisième train entrait en gare.
Le dernier message de Pratzen disait simplement : « Quai n°9, emplacement B, mardi en début de matinée. Désolé de ne pas pouvoir être plus précis mais je n’ai pas encore réglé tous les détails de mon voyage. A bientôt. B.P. ».
Et il fallait être patient pour rencontrer « B.P. »... Malgré des dizaines de messages échangés, Zymot n’avait rien réussi à apprendre de précis à son sujet. Il avait réussi à l’identifier au travers de plusieurs pseudos sur les sites qu’il fréquentait mais rien de plus. En discutant avec lui, il avait joué à fond la carte de la flatterie, ce qui lui avait permis d’établir des contacts réguliers et d’obtenir quelques informations sur ses activités... Il était 8h12.
Deux semaines auparavant, les choses s’étaient accélérées. Pratzen annonçait qu’il allait venir sur place et qu’il avait besoin d’aide pour pouvoir « avancer dans ses recherches » : il semblait manifestement disposé à faire confiance à son admirateur.
Zymot avait accepté toutes ses conditions et avait minutieusement préparé son accueil... Il était d’autant plus impatient que, durant les trois derniers jours, les messages contradictoires s’étaient multipliés : changement de date, de lieu, précautions à prendre... Il était 8h24 et le train de Puisard venait de s’arrêter le long du quai n°9.
En regardant descendre les voyageurs indifférents, Pinter Zymot envisageait trois possibilités :
 « 1/ Il est déjà là et il m’observe pour vérifier que je suis  seul ;
« Monsieur Zymot ?... »
 2/ Il va descendre discrètement de ce train et juste me  faire signe de le suivre ;
« Monsieur Zymot ?... »
 3/ Il ne viendra pas. »
« Monsieur Zymot ?... Monsieur Zymot !! »
Tout à son observation, l’inspecteur sentit tout à coup que quelqu’un l’appelait derrière lui.
C’était un type assez petit, portant une valise, un chapeau et de grosses lunettes. Il était tout essoufflé et transpirant sous son manteau. Il dénoua son écharpe pour respirer un peu mieux.
« Excusez-moi... Je me suis trompé dans le numéro du quai et... j’ai dû traverser toute la gare en courant pour vous retrouver à temps. »
« Monsieur Pratzen ? »
L’homme respira encore deux fois avant de pouvoir répondre :
« Oui... »


                Au même moment, à moins de cinq cents mètres de là, le jeune Michael alluma son ordinateur avant de partir au lycée.
Il sonna à la messagerie de Kitty.
- Sava ?
- Kilou et t ?
- DoivoirSimcemat...
- Koi2 9 ?
- Détrukbizar 7nui.
- Ankorvotestalac... ?
-Wimé... bizar.
- Dorlanui ouregardéporno. Komtoulemond.
- Tamatékoi ?
-Nib. Moi je dormais. Biz.
- BIz.

 


             Comme Zymot s’y attendait, Pratzen voulut partir tout de suite et il dut lourdement insister pour le convaincre de s’asseoir prendre un café.
« - Allez, reposez-vous un peu et expliquez-moi ce que je peux faire pour vous. Je suis tellement content... Que venez-vous chercher ici ?
- Excusez-moi mais, tout d’abord, avez-vous pu louer ce que je vous avais demandé ?
- Eh bien, louer un studio aussi vite, sans savoir combien de temps vous alliez rester, ça n’a vraiment pas été possible. Par contre, mon appartement est à votre disposition. Il est calme et très bien équipé... Sinon je peux vous indiquer un ou deux hôtels qui vous conviendraient.
- D’accord.
- Et... qu’êtes-vous venu chercher exactement ?
- D’après vous ?
- Je pense que vous avez trouvé ici quelqu’un qui serait compatible avec vos tests.
- C’est ça.
- Si je peux vous aider, n’hésitez pas à m’en dire un peu plus. »
Un serveur s’approcha et déposa les deux cafés, deux jus d’orange et la corbeille de viennoiseries que Zymot avait commandés. Il essuya la table et repartit.
Pratzen n’avait ni enlevé sa veste ni lâché sa valise. Pendant qu’il commençait à parler, un autre client (installé depuis un long moment) commença à le prendre discrètement en photo.
« - Il s’agit d’un jeune garçon qui semble avoir des dons vraiment prodigieux. Bien au-delà de mes tests habituels. Je suis venu pour le rencontrer et j’aurai besoin d’un endroit calme (mais correctement connecté) pour pouvoir évaluer ses véritables capacités.
- Aucun problème. Il ne s’agira que d’une seule évaluation ?
- Oui, je ne me déplace que pour une seule rencontre. Il est déjà assez rare, à mon avis, de tomber sur quelqu’un ayant de telles dispositions.
- Et comment s’appelle-t-il ?
- Je ne sais pas mais il m’a laissé suffisamment d’éléments pour que je puisse le retrouver.
- Il est d’accord pour vous rencontrer ?
- Evidemment ! Nous en avons longuement discuté.
- Combien de temps prendra votre évaluation ?
- Je ne sais pas... Deux ou trois jours peut-être.
- Et quel âge a ce jeune homme ?
- Euh... je ne sais pas.
- Vous ne buvez pas votre café ? »
Zymot comprenait que Pratzen devenait de plus en plus nerveux : il serrait sa valise en regardant autour de lui. Il ne toucherait probablement ni au café ni au jus d’orange.
Son téléphone tinta pour lui annoncer un message. Il le lut rapidement et éteignit aussitôt son appareil.
« - Bon, il faut que je parte.
- Où voulez-vous que je vous accompagne ?
- Je vais plutôt prendre un taxi. Je vous recontacterai plus tard. »
Zymot sentait que la conversation allait lui échapper. Pratzen était sur le point de partir.
« Très bien, voici mes coordonnées directes. A n’importe quelle heure. »
En tendant sa carte, Zymot heurta le verre de jus d’orange qui se renversa sur la manche droite de Pratzen.
« - Zut ! Je suis vraiment désolé !
- Ce n’est rien... Je vais me changer aux toilettes. Ne bougez pas. »

 En fait, Pratzen traversa la terrasse du café, entra dans la salle puis sortit par la baie vitrée qui donnait directement sur la rue. Il disparut rapidement dans un taxi.
Zymot se tourna vers l’homme qui prenait les photos.
« - Tu as réussi à capter son numéro ?
- Non. »

 

 

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