Mercredi après-midi, Michael est seul devant son ordinateur.

                La disparition de Simon semblait avoir retourné toute la ville. Quasiment tout le monde semblait avoir été interrogé.
Des dizaines de voitures avaient été fouillées et la gare était quadrillée par des policiers, des vigiles et même des militaires.
En début d’après-midi, l’interrogatoire de Michael avait duré plus d’une heure et demie. Tout y était passé : l’enfance, le sport, l’école, les films, les séries télé, les copains, les copines, les projets d’avenir... On lui avait également montré un portrait-robot de face et plusieurs photos prises à la gare du mystérieux Bertrand Pratzen.
Michael avait accepté de raconter qu’il avait continué de participer aux expériences de Simon sur les rêves. Avec des résultats parfois surprenants. Mais il s’était arrêté à l’expérience du lundi soir et il n’avait pas raconté leur “rencontre sur la montagne”.
Il avait juste expliqué que Simon parlait d’une expérience en préparation qui le “mènerait encore plus loin”. Mais il n’en savait pas plus et, lui, il n’avait jamais rencontré Bertrand Pratzen.
 Les policiers étaient ensuite repartis. Il était 15h56. Michael se disait qu’il avait menti parce qu’il avait lui-même du mal à croire ce qu’il avait vu. Ca lui semblait déjà tellement absurde quand il essayait d’y repenser, alors de là à le raconter à quelqu’un qui prenait des notes.
Et puis, malgré toute l’inquiétude des gens et l’agitation des policiers, Michael avait encore du mal à prendre le sort de Simon au tragique. Il le revoyait encore le sourire tranquille... son corps qui basculait en arrière dans le torrent.
Si Simon avait décidé lui-même de disparaître, il maîtriserait sans doute la situation jusqu’au bout. S’il avait été enlevé, l’histoire du rêve n’y changerait probablement rien.
Les questions des deux policiers l’avaient complètement épuisé. Juste après leur départ, sa mère - qui n’avait rien dit de tout l’entretien - l’avait laissé aller se reposer dans sa chambre.

                    Il s’installa d’abord devant son ordinateur et il constata que la disparition de Simon commençait à apparaître dans les rubriques d’informations locales. Il n’y avait pas encore de photos et le ton restait mesuré : la fugue semblait tout aussi probable que l’enlèvement. Et il n’était pas encore question de Bertrand Pratzen...
Bertrand Pratzen ?
En lançant son nom sur plusieurs moteurs de recherches, Michael n’avait rien pu apprendre de précis à son sujet. Bizarrement, quelques résultats nominatifs apparaissaient mais aucun lien ne fonctionnait : toutes les pages demandées étaient affichées comme supprimées ou inexistantes.
Les titres des liens évoquaient effectivement le spiritisme, le psychisme, la parapsychologie... Plusieurs forums avaient enregistré des interventions de sa part mais, concrètement, il ne restait aucune véritable trace à son sujet. Aucune photo, non plus.
Il était 16h38.
Et Simon ?
Michael connaissait quelques-uns des pseudonymes qu’il utilisait dans ses recherches et ses contacts (il les avait d’ailleurs donnés aux policiers) et il retrouva sa piste sur plusieurs forums dont un où il aurait pu entrer en communication avec Bertrand Pratzen.
Pour chaque lien, il s’agissait de discussions (sans doute nocturnes) dans lesquelles revenait souvent la même idée : le monde des rêves, évidemment.
Simon affirmait ouvertement son existence et expliquait en détails ses méthodes pour y accéder : cela semblait susciter l’enthousiasme de nombreux interlocuteurs.
« Putain, mais que se passe-t-il ? »
Michael essayait de faire le point :
1/ Michael avait vraiment été enlevé par un pervers ou un serial-killer qui rôdait en ville ;
2/ Simon était parti de son plein gré, sans doute pour poursuivre ses recherches débiles sur les rêves ;
3/ Simon avait été emporté par une rivière qui l’avait emmené au sommet de la montagne du Pays Imaginaire...
Laquelle de ces idées semblait la plus stupide ? Laquelle était la plus probable ?
Qu’est-ce que Michael avait vraiment vu ? Qu’est-ce qu’il croyait savoir ? Qu’est-ce qu’il pouvait faire ?
Il était 17h02.
La sonnerie de sa messagerie le sortit brutalement de ses réflexions. C’était Kitty.


« - Mic ?
- Yes.
- Vienchémoi.
- Pkoi ?
- La police est venue pour fouiller la maison. Ils ont emmené ma sœur au commissariat.
- Jariv. »

 

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