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Mercredi soir, le rêve de la Prairie.

                  Michael apprit en début de soirée que Betty avait pu rentrer chez elle. Mais Kitty n’avait pas osé lui poser de questions.
Après l’habituel repas en tête-à-tête, Michael quitta sa mère en se doutant qu’il aurait probablement du mal à s’endormir.
Il était beaucoup trop nerveux pour mettre son esprit “en flottement”. Il était 21h07.
Il s’enferma dans sa chambre et alluma son ordinateur. Il enchaîna les jeux et les recherches hasardeuses, sans jamais regarder l’heure, jusqu’à l’épuisement.
                 A une heure indéterminée, il ouvrit les yeux devant son écran en veille et fit simplement l’effort de se soulever légèrement de sa chaise pour se laisser tomber sur son lit juste à côté. Avec la “mise en flottement”, c’était une autre de ses techniques bien rôdées.
Sur le moment, il ne pensait absolument à rien. Puis il pensa à Kitty. Il aurait tellement aimé la rassurer. Et Simon... Une souris passa devant lui... Une voix l’appelait...
L’officier de police lui posait des questions. Comment s’appelait-il déjà ? Et Betty dans tout ça... Et Bertrand Pratzen... Une voix l’appelait...
Pinter Zymot. Betty. Simon. Bertrand Pratzen. Kitty. Une voix l’appelait...
Pinter Zymot. Betty. Simon. Bertrand Pratzen. Kitty. Une voix l’appelait...
Pinter Zymot. Betty. Simon. Bertrand Pratzen. Kitty. Une voix l’appelait... Merde, où était-il ?

 

“Michael !”
Il était au milieu de... nulle part.
“Michael !”
Tout était plat. Tout était vide. A perte de vue...
“Michael !”
Le ciel était bleu pâle. Presque gris. Sur le sol, une herbe vaguement verte.
“Michael !”
Presque grise.
“Michael !”
Rien. Une plaine, une légère brise. Et la voix de Simon.
“- Michael... Je sais que tu m’entends, vieux pote.
- Je suis où, là ?
- Tiens, voilà une bonne question. Alors, où es-tu ?
- Dans les limbes...
- Qu’est-ce que tu appelles “les limbes” ?
- C’est la grande plaine de l’ennui. Là où errent à jamais les âmes de ceux qui n’ont rien fait ni de mal ni de bien pendant leur vie... Les gens normaux, quoi.
- Pas mal mais, rassure-toi, tu n’es pas encore mort. De toute façon, il est impossible de rêver sa propre mort.
- Et toi, tu en es où ?
- Ne t’inquiète pas, je suis bien vivant et endormi, tout comme toi. Je ne t’appelle pas encore du royaume des morts.
- Alors explique-moi ce qui se passe. Tout le monde est très inquiet et personne ne comprend rien.
- Je suis en pleine expérience. Je vais plus loin que tout ce que j’avais imaginé jusque là. Et, crois-moi, je ne manque pas d’imagination.
- Et pour ça tu as dû disparaître ? Tu te rends compte de tout ce que tu as déclenché ?
- Disons qu’il y a des choses que l’on ne peut pas découvrir tout seul dans son lit... Si on veut aller plus loin, il faut savoir se jeter à l’eau.
- Comme dans une rivière qui monte, c’est ça ?
- Par exemple. Mais c’est dommage que tu ne m’aies pas suivi.
- Et là, maintenant, je dois aller où ?
- Mais nulle part. Regarde ce bel espace vide tout autour de toi. Tout est à faire, à imaginer. A construire. C’est la base de ton propre univers.
- C’est surtout une prairie à vaches.
- Pourquoi pas ? Mais je te croyais plus créatif et plus ambitieux que ça. Je vais t’expliquer ce que je suis en train de comprendre. Plus nous avançons dans le monde des rêves, moins il y a de choses qui nous entourent. Mais, à partir de là, c’est à nous de créer des univers qui nous ressemblent. Ne me demande pas comment ces univers existent mais notre force mentale peut nous permettre ensuite d’y accéder quand nous le désirons, de les amplifier et même d’entrer en contact avec des univers construits par d’autres. Nous pouvons nous rejoindre. Nous pouvons nous déplacer librement... Il n’y a quasiment aucune limite pour ceux qui osent se lancer dans l’inconnu. Nous avons acquis l’équilibre qui permet à nos esprits de flotter jusqu’à ces mondes : si nous le voulons, le temps et l’espace nous appartiennent.
- Qui est Bertrand Pratzen ?
- C’est quelqu’un qui sait beaucoup de choses.
- La police le cherche partout. C’est sûrement quelqu’un de dangereux.
- C’est quelqu’un qui nous pousse à prendre des risques mais ce n’est pas un manipulateur ou un assassin.
- Tu es vraiment sûr de ça ?
- Il me pousse à aller plus loin mais il n’a aucune raison de me vouloir du mal. Cela détruirait ses propres recherches.
- Il est avec toi en ce moment ?
- Non.
- Tu en es sûr ?
- Arrête de vouloir être sûr de tout. Essaie juste d’avoir un peu confiance en toi.
- Il était avec toi quand tu m’attendais sur la montagne.
- Oui. La montagne est un univers que Pratzen a créé pour accueillir les nouveaux participants dans le monde des rêves. Il est accessible et très engageant. Pas mal le coup de la rivière, non ? Mais je ne savais pas que tu l’avais vu.
- Moi non plus... Et là ? Pourquoi tu ne me rejoins pas ?
- Mais parce que tu ne l’as pas encore décidé. Je te l’ai dit, cet univers t’appartient. A toi d’apprendre à le construire.
- Ecoute-moi bien, Simon. Je n’aime pas cet endroit. Je n’aime pas toute cette histoire. Tout le monde est mort de trouille à ton sujet et, toi, tu joues les magiciens de la nuit... Si Pratzen ne te veut pas de mal alors qu’il te laisse filer ! Tu rassures tout le monde et, après, tu reprends toutes les expériences que tu veux. Betty s’est déjà faite arrêtée à cause de toi et Kitty...
- Rassure-toi, tout sera bientôt fini et tout le monde passera vite à autre chose. Et Betty ne risque rien puisqu’elle n’a rien à dire.
- Quel est le rapport entre elle et ta disparition ?
- Il n’y en a pas vraiment. C’est juste que... tu ferais mieux de t’occuper de ton propre univers.
- Fous-moi la paix ! J’en ai plus rien à cirer de tes conneries !
- Et pourtant tu es bien là. Que tu le veuilles ou non, chaque nuit, ton esprit revient et reviendra vers ce monde. Alors autant l’accepter et aller au bout de cette chance. Je peux t’aider mais je ne peux pas tout contrôler.
- Evidemment puisque c’est Pratzen qui contrôle tout ! Dis-lui bien d’aller se faire foutre ! Dans le meilleur des cas, il se fera choper par les flics. Sinon on le chopera à quatre ou cinq pour lui faire sa fête ! Tu m’entends ? Ton Pratzen, c’est une espèce de... »

 

                  Michael se réveilla en sursaut. Il était seul, assis sur son lit, tout habillé et à bout de souffle. Jeudi, il était 3h34 du matin.
Cela faisait sans doute moins de deux heures qu’il dormait : tout cela s’était passé si vite... Et sans même le provoquer.
Simon avait raison, il ne contrôlait plus la situation. De toute façon, qu’avait-il compris à toute cette histoire ?
Où était Simon ? Que savait Betty ? Et Kitty, avait-elle appris de nouvelles choses cette nuit ? Et Pratzen... Il était là, quelque part.
Et c’était lui qui savait tout.

Michael essaya péniblement de se rendormir mais il restait obsédé par cette idée : il fallait trouver Bertrand Pratzen. Le trouver et le...
Il était déjà 4h02 du matin. Tout va si vite. Comment en étaient-ils arrivés là ?

                    Le réveil sonna à 7h15. Il quitta l’appartement un peu moins d’une heure plus tard, comme d’habitude, sans avoir réveillé sa mère.
Il partait pour le lycée mais à aucun moment, depuis son réveil, il n’avait réfléchi aux cours qui l’attendaient. De toute façon, tout le monde ne ferait encore que parler de Simon et des policiers qui le cherchaient.
Que fallait-il faire ? Simplement attendre que quelque chose se passe. Mais quoi ? Michael essayait de réfléchir et c’est au dernier croisement avant d’arriver au lycée qu’un petit homme, portant chapeau et lunettes, se planta devant lui :
« Bonjour, jeune homme. Je crois que c’est moi que tu cherches, n’est-ce pas ? »

 

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